Télécharger le PDF

 

Dans ce tableau réalisé dans l’atelier de Joseph Vernet par un de ses élèves les plus originaux, le peintre Jean-Baptiste-François Génillion, celui-ci laisse s’exprimer son goût de la couleur en nous présentant une marine aux accents pré-romantiques, dans laquelle l’arrivée d’un orage s’apprête à bouleverser une élégante partie de pêche.

 

  1. Jean-Baptiste-François Génillion, élève de Joseph Vernet

 

Peu d’éléments biographiques sont connus sur la vie de Jean-Baptiste-François Génillion. Né à Paris en 1750, il est formé dans l’atelier de Vernet dans lequel il travaille pendant les années 1770. Peintre paysagiste, il s’affranchit ensuite assez largement des productions de marine et présente également des paysages urbains (avec une prédilection pour les scènes d’incendie). Il expose au Salon de la correspondance de 1779, 1781, 1782 et 1783, puis à celui du palais du Louvre de 1791 à 1819.

 

Ses œuvres sont conservées au Palais des Beaux-Arts de Lille, au musée Carnavalet à Paris ainsi qu’au Bowes Museum à Barnard Castle.

 

2. Description du tableau : influence de Joseph Vernet et spécificité de Génillion

 

Dans ce tableau de jeunesse très inspiré des œuvres de Joseph Vernet et de son atelier, Jean-Baptiste-François Génillion combine plusieurs points d’intérêt pour composer un ensemble très vivant, frémissant sous le vent alors que l’orage éclate et que la pluie s’apprête à gagner la côte.

 

Sur la gauche du tableau un groupe de visiteurs élégants examinent les poissons qui leur sont offerts par trois pêcheurs. Ce groupe est violemment éclairé par un dernier coup de soleil, alors que l’horizon s’est assombri et que les premiers éclairs commencent à éclater.

 

Ce groupe nous semble être un véritable hommage à son maître puisqu’il s’agit d’une citation directe d’une œuvre de jeunesse de Vernet, la Vue sur une baie près de Naples, un tableau peint par Vernet en 1740 conservé aujourd’hui à Apsley House (Londres – Royaume-Uni).

 

A ce groupe élégant et insouciant de l’orage qui va rapidement atteindre la côte s’oppose deux personnages un peu lourds (typiques de la manière de Génillion) qui semblent se hâter de quitter le rivage, à l’instar d’une barque de pêcheurs représentée en arrière-plan.

 

Il nous a paru intéressant de mettre en regard de ces deux personnages et des tonalités rosées de l’ensemble de cette composition de jeunesse un tableau de maturité de Génillion conservé au Bowes Museum : la Vue de la Seine en regardant vers l’ouest de l’Ile Louviers.

 

Le phare placé au milieu de notre tableau, inspirée par le phare de Gênes, est également un élément récurrent de la production picturale de Vernet. Nous le retrouvons par exemple dans le Fanal exhaussé de Joseph Vernet, une toile réalisée en 1746 actuellement conservée au Musée d’Art et d’Histoire de Genève[1].

 

Au-delà du phare, l’ensemble de la disposition topographique représentée en arrière-fond de notre tableau se retrouve de manière directe dans la Tempête sur le phare, une toile attribuée à Joseph Vernet conservée aux Musée des Beaux-Arts de Nantes. Datée vers 1770 – 1780, ses dimensions (82 x 133.8 cm) sont très proches de celles de la nôtre (79 x 132 cm à vue).

 

La représentation de l’orage et des éclairs qui trouent le ciel - qui constituent le point d’orgue de notre tableau - permet de voir toute la spécificité de la version qui nous est donnée par Jean-Baptiste-François Génillion et révèle son goût pour les éclairages dramatiques que l’on retrouve dans ses tableaux d’incendie ou d’éruption volcanique.

 

Nous avons reproduit ci-dessous deux tableaux de Génillion qui illustrent son goût pour les éclairages artificiels, qu’ils soient produits par une scène d’incendie ou par l’explosion du Vésuve.

 

Il est également intéressant de rapprocher cette représentation de l’orage d’une œuvre de jeunesse de Jean-François Hue (1751-1823), le Naufrage du musée de Saint Brieuc, dans laquelle on retrouve également les mêmes effets de lumière à l’horizon. Jean-François Hue est un exact contemporain de Génillion et un des plus fidèles élèves de Vernet ; la proximité de ces deux représentations d’orage démontre les influences réciproques entre les deux artistes et la porosité de leur style pendant leurs jeunes années.

 

3. Encadrement

 

Ce tableau a été réentoilé et doté d’un nouveau châssis, vraisemblablement à la fin du XIXème siècle, date à laquelle il a été encadré dans le cadre en bois doré de style Salvador Rosa dans lequel nous le présentons aujourd’hui.



[1] Une autre version de ce tableau est conservée au Bristol Museum and Art Gallery