Frans Francken the Younger/ Frans Francken II Ecole flamande, 1581-1642

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Dans ce tableau inédit provenant d'une collection particulière française, Frans Francken II aborde un de ses thèmes de prédilection : l'adoration des Mages, ces sages venus d'Orient qui viennent adorer l'enfant Jésus dans sa crèche à Bethléem en Judée. Ce thème sera souvent repris par l'artiste mais cette version datable autour de 1610 en constitue une des premières interprétations.

1. Frans Francken II, « un peintre étonnamment inventif »[1]

Frans Francken II (appelé également Frans Francken le Jeune) est le membre le plus connu d'une grande famille artistique qui a travaillé à Anvers de la fin du XVIe à la fin du XVIIe siècle. Né en 1581, il a très certainement étudié avec son père, Frans Francken l'Ancien (vers 1542-1616), avant de devenir maître de la guilde de Saint-Luc d'Anvers en 1605. En 1627, il devient membre de la guilde des archers anversois De Oude Handboog.

Francken était un artiste extrêmement productif et imaginatif, spécialisé dans les petites scènes religieuses et mythologiques au rendu expressif. Il a également peint de grands retables pour des églises catholiques. Ses représentations de cabinets de collectionneurs ont créé un genre de peinture qui a influencé un certain nombre d'artistes, dont Jan Brueghel l'Ancien et David Teniers le Jeune. Francken dirigeait un grand atelier productif, où il était assisté par un certain nombre d'élèves, dont ses fils Frans III (1607-1667), Hieronymus III (1611-après 1661) et Ambrosius III (c. 1614-1662). Ses frères Thomas (1574-vers 1626), Hieronymus le Jeune (1578-1623) et Ambrosius le Jeune (vers 1590-1632) furent également actifs dans son atelier. Francken a peint de nombreuses œuvres pour le marchand d'art Christian van Immerzeel, qui les a vendues à des collectionneurs espagnols.

Francken a souvent collaboré avec d'autres artistes. Il a ainsi peint des figures dans des paysages d'Abraham Govaerts (1589-1626) et de Joos de Momper II (1564-1635) et dans des scènes architecturales de Bartholomeus van Bassen (vers 1560-1652) et de Peeter Neeffs l'Ancien. Il a également collaboré avec des peintres de fleurs, parmi lesquels Jan Brueghel l'Ancien, Jan Brueghel le Jeune (1601-1678) et Andries Danielsz (actif vers 1600-1625).

2. Description du tableau

La scène décrite dans notre tableau s'inspire directement de l'évangile selon Saint Matthieu (2-1-11) racontant la venue de « mages venus d'Orient » : « ils entrèrent dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe ».

La Mère de Dieu trône sur un piédestal de pierre à gradins d'où elle domine la scène. Elle présente l'enfant divin sur un drap posé sur ses genoux, dans lequel il est couché et regarde le spectateur. Un paysage hivernal est visible à l'arrière-plan, à gauche.

Au fil des siècles, ces trois personnages (dont le nombre dérive du nombre de cadeaux offerts selon l'évangile) ont été connus sous le nom de Mages, de Sages et, depuis le Moyen-Âge, sous celui de Rois. Alors que les Evangiles restent muets sur leurs noms, ceux-ci apparaissent dans un manuscrit grec du VIe siècle repris dans la tradition de l'Eglise : Gaspard, Melchior et Balthasar. Différentes traditions iconographiques se superposent : un homme jeune, un homme d'âge mûr et un vieillard (symbolisant ainsi les trois âges de l'Homme) ; pour symboliser l'universalité de l'Eglise, ils représentent également les trois continents connus au Moyen-Age : l'Europe, l'Asie et l'Afrique et Balthasar est alors représenté comme un Africain.

Selon Johannes Molanus (1533-1585), le principal théologien catholique des Flandres à l'époque de Francken, Gaspard était âgé de 60 ans, Balthasar de 40 ans et Melchior de 20 ans. Cette tradition est reprise dans notre tableau. Deux d'entre eux portent des turbans et des récipients contenant de l'or et de la myrrhe en guise de cadeaux. Seul le roi à la peau claire, probablement l'Européen, a déposé son sceptre  et son turban aux pieds de la mère et de l'enfant, et s'agenouille en signe d'adoration du Fils de Dieu. Derrière son turban s'échappe la fumée de son encensoir posé à terre …Le médaillon ovale qui orne le piédestal sur lequel a été déposé le turban représente un cavalier, qui est peut-être une autre référence au Nouveau Testament : le cavalier Fidèle et Véritable (Apocalypse 19) qui gouvernera les nations avec une verge de fer au dernier jour, plaçant ainsi cette scène d'adoration dans l'annonce du Salut à la fin des temps apporté par le Christ.

Aux trois Mages se joignent deux pages et différents personnages représentés dans des costumes contemporains de l'époque de la réalisation de l'oeuvre, ce qui est une autre manière de faire rentrer le spectateur dans le tableau. Le chatoiement des couleurs des différents vêtements est encore renforcé par l'utilisation d'un fond d'or pour évoquer le manteau de brocard de Gaspard.

3. Œuvres en rapport

Une autre version autographe de cette composition est connue et a été présentée en 2008 par la galerie new-yorkaise Lawrence Steigrad Fine Arts. Très proche de notre composition[2], elle s'en distingue principalement par les couleurs bicolores du turban posé aux pieds de la Vierge.

Notre composition sera également reprise dans plusieurs versions d'atelier (dans lesquelles la robe de Gaspard est généralement peinte en jaune d'or et non dorée). Ce thème sera par la suite représenté à de maintes reprises par Frans Francken II comme en témoigne cette version datée de 1618 vendue chez Koller en 2011[3].

Principales références bibliographiques :

Ursula Härting - Frans Francken der Jüngere - Die Gemälde, Freren 1989

Catalogue de l'exposition La Dynastie Francken, Musée de Flandre Cassel 2020