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Cette spectaculaire étude d’un casque de parade, inspirée par un modèle antique mais proche des bourguignottes de la Renaissance, nous semble devoir être placée dans le contexte fastueux de la cour des Gonzague à Mantoue.  Son ornementation composée de rinceaux de feuilles d’acanthe s’inscrit dans les différents projets d’art décoratif réalisés par Giulio Romano (également parfois appelé Jules Romain) pour la cour de Mantoue, où il s’établit à partir de 1524. Ce dessin est d’une insigne rareté, puisqu’il constitue à notre connaissance l’unique projet de casque subsistant qui ait été réalisé par l’artiste.

 

  1. Giulio Romano, élève préféré de Raphaël et artiste officiel de la cour des Gonzague

 

Giulio Romano naît à Rome en 1492 ou en 1499 ; à son nom de famille (Gianuzzi) son entourage préfère le diminutif de Pippi mais il adoptera par la suite celui de Romano, en référence à sa ville natale. Il entre comme apprenti dans l’atelier de Raphaël en 1514 ; devenu peintre à part entière, c’est lui qui réalise l’essentiel des fresques de la Chambre de Constantin dans les appartements de Léon X au Vatican. Devenant l’héritier de son atelier à la mort de Raphaël en 1520, il achève les tableaux laissés inachevés par son maître comme par exemple sa Transfiguration.

La réalisation d’une série de dessins érotiques inspirés d’Ovide entraîne la disgrâce de Giulio Romano auprès de ses commanditaires papaux : l’éphémère Adrien VI, puis Clément VII. N’étant plus le bienvenu dans sa ville natale, l’artiste s’installe à Mantoue où il séjournera jusqu’à sa mort. Arrivé en octobre 1524, il devient l’artiste officiel du marquis Frédéric II qui le nomme Préfet des Bâtiments, la plus haute responsabilité dans le domaine artistique et architectural du territoire. A l’instar de nombreux artistes de la Renaissance, les responsabilités de Giulio Romano incluent à la fois la décoration de la ville, le pavage des rues ou la conception de fortifications, mais également la réalisation d’objets précieux en argent destinés à orner les tables des Gonzague et celle d’armes de parade.

 

Son œuvre principale est la réalisation entre 1526 et 1534 du Palais du Té, dont il conçoit à la fois l’architecture et la décoration intérieure.

 

2. Description du dessin et œuvres comparables

 

Notre dessin représente un casque de parade ornée de rinceaux de feuilles d’acanthe dont le cimier s’orne d’un triple rang de plumes d’autruche. Ce casque s’inspire d’un modèle antique qui apparaît déjà coiffant le personnage de Mars, peint probablement par Giulio Romano lui-même vers 1517-1518, dans la fresque du Conseil des Dieux, sur la voûte de la loggia de Psyché dans la villa Farnesina à Rome[1].

 

Un casque au cimier très similaire à celui de notre dessin apparaît dans un autre tableau de Giulio Romano exécuté avant 1536 représentant Alexandre Le Grand.

 

Alors que les armuriers les plus prestigieux de la Renaissance italienne, Vincenzo Figino et son disciple Filippo Negroli (1510-1579), étaient tous les deux installés à Milan, l’armurier Caremolo Modrone (1489 – 1543), également originaire de Milan, s’installe à Mantoue en 1521 et y développe un atelier d’armurerie produisant également des armures de luxe, comme celle de Charles de Gonzague conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne qui lui est attribuée.

Dans ce contexte, il est certain que Giulio Romano fournit un certain nombre de dessins destinés à la fabrication d’armures de luxe, comme en témoignent d’ailleurs le bouclier de l’apothéose de Charles Quint, conservé à la Real Armeria de Madrid dont le projet par Giulio Romano est conservé au Teylers Museum d’Haarlem, ou le projet d’épée pour Frédéric II de Gonzague conservé au British Museum. Il est à cet égard intéressant de rapprocher notre dessin de la bourguignotte de parade réalisée par Filippo Negroli en 1543 et conservée au MET.

 

Le motif de rinceaux d’acanthe est un motif récurrent dans les dessins de Giulio Romano, comme en témoignent à la fois cette Frise d’acanthes conservée au Musée des Beaux-Arts de Budapest et celle conservée au British Museum.

 

Si les autres dessins de casque de Giulio Romano nous semblent avoir disparu, celui-ci a certainement inspiré Filippo Orso ou Orsoni (1519 – 1561), un artiste actif à Mantoue dont il subsiste au Victoria & Albert Museum et au musée de Brunswick de nombreux dessins représentant des casques de parade, mais aussi des ornements de chevaux ou d’étriers exécutés autour de 1554, soit une dizaine d’années après la mort de Giulio Romano. Les deux dessins reproduits ci-dessous nous semblent tous les deux s’inspirer, avec des variantes, du casque que nous présentons, confirmant ainsi le caractère mantouan de notre dessin.

    

Le style plus sommaire du style de Filippo Orsoni écarte selon nous la possibilité qu’il soit l’auteur de notre dessin, en revanche, il nous semble tout à fait possible que ce soit lui qui ait effectué les restaurations anciennes, assez adroites, dans les plumes supérieures de notre dessin.

 

3. Encadrement

 

Nous avons choisi pour ce dessin un cadre de type cassetta en bois sculpté et doré orné d'une frise courante à motifs de rinceaux qui rappellent ceux qui ornent notre casque. Ce cadre avait été exposé en 1931 à l’Exposition internationale du cadre du XVème au XXème siècle organisée par Serge Roche aux Galeries Georges Petit.

 

Principales références bibliographiques :

(A cura di) Barbara Furlotti & Guido Rebecchini – Giulio Romano – La Forza delle Cose – Marsilio Editori – Venezia 2022

Roberto Lodi et Amedeo Montanari - Répertoire du cadre européen – Editions Galleria Roberto Lodi - Modena



[1] Claudia Daniotti – catalogue de l’exposition  Giulio Romano – La forza delle cose page 180