Au recto : deux chevaux, étude préparatoire à la lithographie « Les boueux »
Au verso : quatre études de têtes de chevaux (dont deux préparatoires à l'aquarelle intitulée « Le labourage en Angleterre »), une étude de life guard avec la croupe de son cheval (préparatoire à la lithographie « A Party of Life Guards ») et un chien
Dans cette feuille d'étude vraisemblablement réalisée durant l'un de ses séjours en Angleterre en 1820-1821, Géricault nous révèle sa fascination pour les chevaux. Son coup de crayon est d'une grande maestria, nerveux et sans repentir. La plupart des motifs seront repris dans des compositions lithographiques publiées entre 1821 et 1823, nous renseignant ainsi sur le processus créatif de l'artiste.
Alors que l'étude pour Les boueux qui est la plus aboutie peut être considérée comme le recto de la feuille, la juxtaposition des différentes études au verso, agencées autour de la figure fantomatique d'un life guard, crée une grande dynamique extrêmement plaisante.
- Théodore Géricault ou la vie ardente d'un artiste romantique
Théodore Géricault naît en 1791 à Rouen dans une famille aisée originaire de la Manche. Son père, magistrat et riche propriétaire terrien dirige une manufacture de tabac. La famille s'installe vers 1796 à Paris et en 1810 Théodore Géricault entre dans l'atelier de Carle Vernet. Il étudie ensuite avec Pierre-Narcisse Guérin avant de s'inscrire le 5 février 1811 à l'école des Beaux-Arts de Paris où il poursuit une formation classique, basée sur la copie des maîtres au Musée du Louvre.
Géricault en est exclu en 1812 pour son inconduite ; il loue alors une arrière-boutique rue de la Michodière où il peint un de ses premiers chef-d'œuvre, le portrait d'un officier de chasseurs de la garde impériale à cheval chargeant qui est présenté au Salon et qui lui vaut de recevoir la médaille d'or à 21 ans ! Géricault devient un peintre recherché et se spécialise dans les sujets militaires.
Géricault s'éprend de sa tante Alexandrine Caruel de Saint-Martin (la femme du frère de sa mère). Agée de 28 ans de moins que son mari, elle n'a que 6 ans de plus que lui. De cette liaison qui va durer des années naitra en 1818 un fils Georges-Hippolyte.
Après un court engagement dans la Compagnie des mousquetaires gris du Roi Louis XVIII, Géricault, déçu de ne pas avoir gagné le prix de Rome, part séjourner deux ans en Italie. A son retour en 1817 il se lance dans la réalisation de son chef d'œuvre, Le radeau de la Méduse qui, présenté au Louvre en 1819, est éreinté par la critique.
La présentation du Radeau à Londres en 1820 amène Géricault à se rendre dans la capitale anglaise, tout d'abord pour une période de deux mois entre avril et juin 1820, puis de nouveau en 1821 après un retour sur le continent et un séjour à Bruxelles. La toile est accueillie de manière triomphale en Angleterre (en partie pour des raisons politiques inverses de celles qui avaient conduit à l'insuccès de sa présentation en France) et 50,000 visiteurs se pressent en six mois chez Bullock où elle est exposée.
Géricault rentre en novembre 1821 très affaibli par une maladie vénérienne contractée vraisemblablement lors de son séjour en Angleterre. Il tombe plusieurs fois de cheval et en août 1823 se brise le dos dans une chute. Il décède à l'âge de trente-deux ans le 24 janvier 1824 après une longue agonie.
2. Description du dessin
Alors que la production graphique de Géricault est très abondante, les éléments graphiques préparatoires aux estampes de Géricault publiées à la suite de son séjour anglais sont assez rares.
Les deux chevaux représentés au recto seront repris dans la lithographie « Les boueux » publiée en 1823. Les sacs d'avoine couvrant la tête des chevaux ont été retirés de la composition finale.
Les différentes études du verso s'organisent autour de la silhouette fantomatique (car à peine esquissée au crayon) d'un life guard représenté à pied, à côté de son cheval dont la croupe a été étudiée dans le détail. Ce personnage sera repris de manière assez fidèle dans A Party of Life Guards (reproduite ci-dessous), une des treize estampes (avec la page de titre) composant la « série anglaise » imprimée en 1821 à Londres.
En arrière-plan de notre life guard figurent deux chevaux de traits tirant une charrue dont la roue est à peine esquissée ; ces deux chevaux se retrouvent en arrière-plan de l'aquarelle intitulée Le labourage en Angleterre (numéro 2180 du catalogue raisonné, vendue chez Christie's le 15/11/1985).
Les deux dernières études, deux têtes de chevaux particulièrement expressives et la silhouette d'un chien rapidement esquissée, évoquent d'autres œuvres de Géricault réalisées pendant ou après son séjour en Angleterre mais ne semblent pas se rattacher directement à une œuvre spécifique.
3. Encadrement
Notre dessin est présenté dans un cadre en bois doré et stuqué du premier quart du XIXème. Il a été placé dans une Marie-Louise double face qui permet de présenter ce dessin aussi bien au recto qu'au verso (illustrations ci-dessous).
Principales références bibliographiques
Germain Bazin, Théodore Géricault : Étude critique, documents et catalogue raisonné, Paris, La Bibliothèque des arts, Wildenstein Institute, Tome VII,1997
Bruno Chenique, Les chevaux de Géricault, Bibliothèque de l'Image, Paris, 2002