Aucun dessinateur néerlandais n'a capturé l'atmosphère de la campagne hollandaise avec la même simplicité convaincante que celle rendue par Jan van Goyen dans des dessins comme celui-ci. Cette étude nous donne une impression saisissante de mouvement au sein d’un paysage traité avec naturel, impression qui est véhiculée par les traits de pierre noire habilement appliqués, derrière lesquels on peut sentir la main de l'artiste. La composition est caractéristique de l’œuvre de Jan van Goyen, avec une ligne d’horizon basse qui donne de l'importance au large ciel et aux oiseaux qui le traversent. Ce sentiment d’immensité balayée par le vent évoque avec force les vastes étendues agricoles et aquatiques néerlandaises qui furent le sujet de prédilection de l’artiste.
- Jan van Goyen, un précurseur dans la peinture de paysage néerlandaise
Jan van Goyen était ambitieux dans son désir de prospérité et de reconnaissance. Fils d'un cordonnier de Leyde, il est mis en apprentissage dès l'âge de dix ans auprès de peintres locaux. Après une année de voyage en France, Van Goyen débute sa formation auprès du paysagiste Esaias van de Velde à Haarlem en 1617. A Haarlem, la ville des natures mortes monochromes, Jan van Goyen se démarque en devenant le premier et le principal peintre de paysages néerlandais développés dans une même gamme chromatique.
Par la suite, à l’âge de 35 ans, Van Goyen s'installe dans la ville de la cour, La Haye, où il prend la tête de la Guilde de Saint Luc. Indépendamment de son importante production artistique, Van Goyen est également un collectionneur d'art, marchand, commissaire-priseur, évaluateur, investisseur en tulipes et en immobilier particulièrement actif mais peu prospère. Entouré d'artistes, il loue la maison voisine à son collègue paysagiste Paulus Potter. Deux des filles de Van Goyen épousent respectivement son élève, le peintre de genre Jan Steen et le peintre de natures mortes Jacques de Claeuw.
Van Goyen a parcouru l'ensemble des Pays-Bas en notant à la craie noire les détails des paysages et de la topographie. Un petit carnet de croquis glissé dans sa poche, le dessinateur en quête d'inspiration pouvait rapidement reproduire les dunes de sable et les structures architecturales dans les environs de sa ville natale ou lors de longs voyages. De retour dans son atelier, les croquis lui fournissaient une inspiration sans fin, alors qu’il combinait ces différents motifs dans des compositions paysagères imaginaires. Ces dessins ne servaient pas uniquement d'études préliminaires pour les motifs des peintures, Van Goyen les retravaillait parfois pour en faire des dessins généralement plus grands et plus achevés, souvent monogrammés et datés, et destinés à la vente. Ne cherchant jamais à représenter des vues précises, les études préliminaires de Van Goyen se déploient comme des éléments topographiques destinées à être réutilisés dans ses paysages composites.
Son œuvre graphique a été inventoriée par Beck en 1972 et comprenait alors plusieurs centaines de dessins, ; plus d’un millier ont été recensés aujourd’hui. Exécutés presque exclusivement à la pierre noire à ses débuts, ces dessins sont enrichis à partir de la fin des années 1640 d’un léger lavis d’encre grise ou brune, à l’image de celui que nous présentons.
2. Description de l’œuvre
Un groupe d’arbre le long d’une rivière, un pêcheur qui chemine avec son chien une canne à pêche sur l’épaule, la description de ce paysage semble banale. Mais c’est surtout le rendu atmosphérique qui est ici le véritable sujet : le ciel immense ombré de discrets traits de pierre noire dans lequel volent quelques oiseaux, les dunes où le jeu de la lumière et du vent crée de profonds contrastes entre zones d’ombre et de pleine clarté (rendues par une utilisation magistrale des réserves qui fait éclater la blancheur du papier).
Malgré sa petite taille et son côté pris sur le vif, il faut souligner l’extrême composition de notre dessin. Notre paysage s’organise à la fois autour d’une diagonale partant de l’angle inférieur gauche vers l’angle supérieur droit, en épousant le bord du tertre en bas à gauche et la cime des arbres au milieu de la composition, et d’une opposition entre le mouvement des arbres et la direction prise par le pêcheur, et le vol des oiseaux dans le ciel.
La technique de Van Goyen est remarquable d’habileté et de précision : d’une virgule, d’une boucle il donne vie à un personnage, une touche de lavis suffit à rendre l’atmosphère. Notre dessin n’a pas été répertorié par Beck en revanche dans le complément au catalogue raisonné publié en 1987 (sous le numéro 409) figure une composition présentant de larges similitudes.
3. Encadrement
Nous avons choisi pour encadrer ce dessin un cadre hollandais en placage d’ébène qui fait ressortir la gamme grise dans laquelle se développe notre paysage (avec quelques touches de brun imperceptibles dans le feuillage des arbres).
Principales sources bibliographiques :
Hans-Ulrich Beck – Jan van Goyen 1596 – 1656. Ein Oeuvreverzeichnis – Van Gendt & Co. Amsterdam 1972 – Ergänzungen zum Katalog – Davaco 1987
(collectif) – Regards sur l’art hollandais du XVIIème siècle – Fondation Custodia 2004